[:pt]samedi 5 août 2017
Brasília, de la vie personnelle à la grande histoire avec João Almino
Brasília, de la vie personnelle à la grande histoire avec João Almino
par Daniel Fattore
41IrB8GgvDL
Lu par Dédale, Etudes Lusophones Paris IV, François Weigel, Ouadou,
Le site de l’auteur, celui de l’éditeur.
Fin des années 1950: Brasília, ville nouvelle ambitieuse et future capitale du Brésil, sort de terre. C’est ce contexte exalté, mais non exempt de conflits historiques et personnels propices au drame, qui sert de socle à “Hôtel Brasília”, roman signé de l’écrivain et diplomate brésilien João Almino. Sur cette base, l’auteur personnalise son propos en donnant la parole à un narrateur qui parle à son père, acteur de l’érection de Brasília, et qui agonise en prison. Roman de la ville nouvelle, “Hôtel Brasília” est donc aussi et surtout un roman de la famille et de la transmission.
En préambule, au sujet des choix d’écriture: Brasília est une ville en construction au moment où l’auteur choisit de la décrire. Partant, et avec pertinence, il n’hésite pas à montrer lui aussi les éléments qui ont servi à construire son texte. Il sera donc question, de temps à autre, du blog que le narrateur tient, hanté par un, deux, trois lecteurs qui partagent leurs avis et connaissances. Il sera question aussi des états d’âme du narrateur face à ce qu’il écrit et aux conseils reçus d’un certain João Almino: dans le roman, l’écrivain se positionne donc lui-même comme conseiller du narrateur de “Hôtel Brasília”, donnant à celui-ci l’occasion d’expliquer comment se construit un tel livre. Ce qui, pour n’importe quel romancier, est tout aussi important que la manière dont se construit une ville. Et puis bien sûr, il y a ce que le père, tombé en prison pour des malversations peu claires, transmet à son fils: des mots, des souvenirs, des notes, des articles de journal même.
Et qui est ce narrateur? C’est un homme qui se souvient. L’écrivain le met donc en scène tantôt à l’époque où émerge Brasilia, tantôt au temps actuel, en glissant avec aisance entre les deux points de vue. Côté souvenirs, la construction de la ville se mêle aux ressentis du narrateur, enfant à l’époque. Le lecteur se trouvera donc certes exalté à l’évocation des rituels d’inauguration de la ville; mais il sera ému plus encore par la vie d’un garçon qui, pas loin de l’adolescence, comprend certaines choses de la vie des adultes et découvre ce qu’elles peuvent signifier pour lui. Cela, à travers les rapports qu’il entretient avec ses deux tantes, Francisca et Matilde, et avec son père: la mère a disparu.
Côté humain, il est essentiel d’évoquer le personnage énigmatique et amical de Valdivino, qui hante tout le roman, dès le début, où l’on se demande s’il est vraiment mort, et comment. Dans un monde conquérant et rationaliste désireux de construire une ville au milieu d’un grand pays, il fait figure de fenêtre ouverte vers la possibilité d’un au-delà. Il s’agit d’un jeune homme, issu d’une communauté, désireux de construire des églises (c’est sa vocation, même), et qui croit dur comme fer que toutes les religions peuvent dialoguer. Vaste programme pour un homme des années 1950, non exempt certes d’un syncrétisme un brin naïf, mais qui trouve son actualité aujourd’hui, où certains monothéismes préfèrent la confrontation. Valdivino concentre sur lui le point de vue du christianisme triomphant, mais aussi des religions et superstitions qui hantent chaque Brésilien.
Cela va plus loin que l’humanité et le rationalisme étroits, ceux des ingénieurs et des ouvriers pauvres venus construire Brasília, attirés par des salaires généreux. Certes, “Hôtel Brasília” n’est pas à proprement parler un roman social dont l’ambition affirmée est de dénoncer. Mais il ne passe pas sous silence les conditions de vie difficiles d’ouvriers qui ont construit une grande ville en moins de quatre ans: il y a des accidents, des morts même, et l’auteur ne fait jamais l’impasse. Ces difficultés constituent un contrastes presque choquant avec la présence de célébrités, telles que Juscelino Kubitschek, président du Brésil et initiateur de Brasília, mais aussi quelques people, écrivains célèbres en particulier, invités aux festivités d’inauguration de la ville nouvelle. Cela, sans oublier le pape…
Du gamin qui s’éveille à la vie à la grande ville qui naît, on l’a compris, “Hôtel Brasília” est un roman de naissances, qui voit loin. Les drames familiaux, exposés dès le début, ouvrent la porte à l’élucidation de lourds secrets. Et la scène initiale où le narrateur voyeur observe sa tante nue est le point de départ des aspects sensuels de ce roman, qu’ils soient généraux (la vie des prostituées dans les villages précaires de travailleurs, à travers du personnage de Lucrécia entre autres) ou personnels. L’écriture de ce roman est compacte, son rythme est lent, et l’on sera même surpris par l’écriture de certains dialogues, indiqués par une simple majuscule et intégrés à des paragraphes souvent longs, eux-même parties de chapitres longs. Certes riche, “Hôtel Brasília” exige donc une certaine endurance de la part du lecteur, baladé doucement entre la grande histoire et les petites histoires familiales.
João Almino, Hôtel Brasília, Paris, Métailié, 2012, traduction du brésilien par Geneviève Leibrich.
Brasília, de la vie personnelle à la grande histoire avec João Almino
[:en]samedi 5 août 2017
Brasília, de la vie personnelle à la grande histoire avec João Almino
Brasília, de la vie personnelle à la grande histoire avec João Almino
par Daniel Fattore
41IrB8GgvDL
Lu par Dédale, Etudes Lusophones Paris IV, François Weigel, Ouadou,
Le site de l’auteur, celui de l’éditeur.
Fin des années 1950: Brasília, ville nouvelle ambitieuse et future capitale du Brésil, sort de terre. C’est ce contexte exalté, mais non exempt de conflits historiques et personnels propices au drame, qui sert de socle à “Hôtel Brasília”, roman signé de l’écrivain et diplomate brésilien João Almino. Sur cette base, l’auteur personnalise son propos en donnant la parole à un narrateur qui parle à son père, acteur de l’érection de Brasília, et qui agonise en prison. Roman de la ville nouvelle, “Hôtel Brasília” est donc aussi et surtout un roman de la famille et de la transmission.
En préambule, au sujet des choix d’écriture: Brasília est une ville en construction au moment où l’auteur choisit de la décrire. Partant, et avec pertinence, il n’hésite pas à montrer lui aussi les éléments qui ont servi à construire son texte. Il sera donc question, de temps à autre, du blog que le narrateur tient, hanté par un, deux, trois lecteurs qui partagent leurs avis et connaissances. Il sera question aussi des états d’âme du narrateur face à ce qu’il écrit et aux conseils reçus d’un certain João Almino: dans le roman, l’écrivain se positionne donc lui-même comme conseiller du narrateur de “Hôtel Brasília”, donnant à celui-ci l’occasion d’expliquer comment se construit un tel livre. Ce qui, pour n’importe quel romancier, est tout aussi important que la manière dont se construit une ville. Et puis bien sûr, il y a ce que le père, tombé en prison pour des malversations peu claires, transmet à son fils: des mots, des souvenirs, des notes, des articles de journal même.
Et qui est ce narrateur? C’est un homme qui se souvient. L’écrivain le met donc en scène tantôt à l’époque où émerge Brasilia, tantôt au temps actuel, en glissant avec aisance entre les deux points de vue. Côté souvenirs, la construction de la ville se mêle aux ressentis du narrateur, enfant à l’époque. Le lecteur se trouvera donc certes exalté à l’évocation des rituels d’inauguration de la ville; mais il sera ému plus encore par la vie d’un garçon qui, pas loin de l’adolescence, comprend certaines choses de la vie des adultes et découvre ce qu’elles peuvent signifier pour lui. Cela, à travers les rapports qu’il entretient avec ses deux tantes, Francisca et Matilde, et avec son père: la mère a disparu.
Côté humain, il est essentiel d’évoquer le personnage énigmatique et amical de Valdivino, qui hante tout le roman, dès le début, où l’on se demande s’il est vraiment mort, et comment. Dans un monde conquérant et rationaliste désireux de construire une ville au milieu d’un grand pays, il fait figure de fenêtre ouverte vers la possibilité d’un au-delà. Il s’agit d’un jeune homme, issu d’une communauté, désireux de construire des églises (c’est sa vocation, même), et qui croit dur comme fer que toutes les religions peuvent dialoguer. Vaste programme pour un homme des années 1950, non exempt certes d’un syncrétisme un brin naïf, mais qui trouve son actualité aujourd’hui, où certains monothéismes préfèrent la confrontation. Valdivino concentre sur lui le point de vue du christianisme triomphant, mais aussi des religions et superstitions qui hantent chaque Brésilien.
Cela va plus loin que l’humanité et le rationalisme étroits, ceux des ingénieurs et des ouvriers pauvres venus construire Brasília, attirés par des salaires généreux. Certes, “Hôtel Brasília” n’est pas à proprement parler un roman social dont l’ambition affirmée est de dénoncer. Mais il ne passe pas sous silence les conditions de vie difficiles d’ouvriers qui ont construit une grande ville en moins de quatre ans: il y a des accidents, des morts même, et l’auteur ne fait jamais l’impasse. Ces difficultés constituent un contrastes presque choquant avec la présence de célébrités, telles que Juscelino Kubitschek, président du Brésil et initiateur de Brasília, mais aussi quelques people, écrivains célèbres en particulier, invités aux festivités d’inauguration de la ville nouvelle. Cela, sans oublier le pape…
Du gamin qui s’éveille à la vie à la grande ville qui naît, on l’a compris, “Hôtel Brasília” est un roman de naissances, qui voit loin. Les drames familiaux, exposés dès le début, ouvrent la porte à l’élucidation de lourds secrets. Et la scène initiale où le narrateur voyeur observe sa tante nue est le point de départ des aspects sensuels de ce roman, qu’ils soient généraux (la vie des prostituées dans les villages précaires de travailleurs, à travers du personnage de Lucrécia entre autres) ou personnels. L’écriture de ce roman est compacte, son rythme est lent, et l’on sera même surpris par l’écriture de certains dialogues, indiqués par une simple majuscule et intégrés à des paragraphes souvent longs, eux-même parties de chapitres longs. Certes riche, “Hôtel Brasília” exige donc une certaine endurance de la part du lecteur, baladé doucement entre la grande histoire et les petites histoires familiales.
João Almino, Hôtel Brasília, Paris, Métailié, 2012, traduction du brésilien par Geneviève Leibrich.
Brasília, de la vie personnelle à la grande histoire avec João Almino
[:es]samedi 5 août 2017
Brasília, de la vie personnelle à la grande histoire avec João Almino
Brasília, de la vie personnelle à la grande histoire avec João Almino
par Daniel Fattore
41IrB8GgvDL
Lu par Dédale, Etudes Lusophones Paris IV, François Weigel, Ouadou,
Le site de l’auteur, celui de l’éditeur.
Fin des années 1950: Brasília, ville nouvelle ambitieuse et future capitale du Brésil, sort de terre. C’est ce contexte exalté, mais non exempt de conflits historiques et personnels propices au drame, qui sert de socle à “Hôtel Brasília”, roman signé de l’écrivain et diplomate brésilien João Almino. Sur cette base, l’auteur personnalise son propos en donnant la parole à un narrateur qui parle à son père, acteur de l’érection de Brasília, et qui agonise en prison. Roman de la ville nouvelle, “Hôtel Brasília” est donc aussi et surtout un roman de la famille et de la transmission.
En préambule, au sujet des choix d’écriture: Brasília est une ville en construction au moment où l’auteur choisit de la décrire. Partant, et avec pertinence, il n’hésite pas à montrer lui aussi les éléments qui ont servi à construire son texte. Il sera donc question, de temps à autre, du blog que le narrateur tient, hanté par un, deux, trois lecteurs qui partagent leurs avis et connaissances. Il sera question aussi des états d’âme du narrateur face à ce qu’il écrit et aux conseils reçus d’un certain João Almino: dans le roman, l’écrivain se positionne donc lui-même comme conseiller du narrateur de “Hôtel Brasília”, donnant à celui-ci l’occasion d’expliquer comment se construit un tel livre. Ce qui, pour n’importe quel romancier, est tout aussi important que la manière dont se construit une ville. Et puis bien sûr, il y a ce que le père, tombé en prison pour des malversations peu claires, transmet à son fils: des mots, des souvenirs, des notes, des articles de journal même.
Et qui est ce narrateur? C’est un homme qui se souvient. L’écrivain le met donc en scène tantôt à l’époque où émerge Brasilia, tantôt au temps actuel, en glissant avec aisance entre les deux points de vue. Côté souvenirs, la construction de la ville se mêle aux ressentis du narrateur, enfant à l’époque. Le lecteur se trouvera donc certes exalté à l’évocation des rituels d’inauguration de la ville; mais il sera ému plus encore par la vie d’un garçon qui, pas loin de l’adolescence, comprend certaines choses de la vie des adultes et découvre ce qu’elles peuvent signifier pour lui. Cela, à travers les rapports qu’il entretient avec ses deux tantes, Francisca et Matilde, et avec son père: la mère a disparu.
Côté humain, il est essentiel d’évoquer le personnage énigmatique et amical de Valdivino, qui hante tout le roman, dès le début, où l’on se demande s’il est vraiment mort, et comment. Dans un monde conquérant et rationaliste désireux de construire une ville au milieu d’un grand pays, il fait figure de fenêtre ouverte vers la possibilité d’un au-delà. Il s’agit d’un jeune homme, issu d’une communauté, désireux de construire des églises (c’est sa vocation, même), et qui croit dur comme fer que toutes les religions peuvent dialoguer. Vaste programme pour un homme des années 1950, non exempt certes d’un syncrétisme un brin naïf, mais qui trouve son actualité aujourd’hui, où certains monothéismes préfèrent la confrontation. Valdivino concentre sur lui le point de vue du christianisme triomphant, mais aussi des religions et superstitions qui hantent chaque Brésilien.
Cela va plus loin que l’humanité et le rationalisme étroits, ceux des ingénieurs et des ouvriers pauvres venus construire Brasília, attirés par des salaires généreux. Certes, “Hôtel Brasília” n’est pas à proprement parler un roman social dont l’ambition affirmée est de dénoncer. Mais il ne passe pas sous silence les conditions de vie difficiles d’ouvriers qui ont construit une grande ville en moins de quatre ans: il y a des accidents, des morts même, et l’auteur ne fait jamais l’impasse. Ces difficultés constituent un contrastes presque choquant avec la présence de célébrités, telles que Juscelino Kubitschek, président du Brésil et initiateur de Brasília, mais aussi quelques people, écrivains célèbres en particulier, invités aux festivités d’inauguration de la ville nouvelle. Cela, sans oublier le pape…
Du gamin qui s’éveille à la vie à la grande ville qui naît, on l’a compris, “Hôtel Brasília” est un roman de naissances, qui voit loin. Les drames familiaux, exposés dès le début, ouvrent la porte à l’élucidation de lourds secrets. Et la scène initiale où le narrateur voyeur observe sa tante nue est le point de départ des aspects sensuels de ce roman, qu’ils soient généraux (la vie des prostituées dans les villages précaires de travailleurs, à travers du personnage de Lucrécia entre autres) ou personnels. L’écriture de ce roman est compacte, son rythme est lent, et l’on sera même surpris par l’écriture de certains dialogues, indiqués par une simple majuscule et intégrés à des paragraphes souvent longs, eux-même parties de chapitres longs. Certes riche, “Hôtel Brasília” exige donc une certaine endurance de la part du lecteur, baladé doucement entre la grande histoire et les petites histoires familiales.
João Almino, Hôtel Brasília, Paris, Métailié, 2012, traduction du brésilien par Geneviève Leibrich.
Brasília, de la vie personnelle à la grande histoire avec João Almino
[:fr]samedi 5 août 2017
Brasília, de la vie personnelle à la grande histoire avec João Almino
Brasília, de la vie personnelle à la grande histoire avec João Almino
par Daniel Fattore
41IrB8GgvDL
Lu par Dédale, Etudes Lusophones Paris IV, François Weigel, Ouadou,
Le site de l’auteur, celui de l’éditeur.
Fin des années 1950: Brasília, ville nouvelle ambitieuse et future capitale du Brésil, sort de terre. C’est ce contexte exalté, mais non exempt de conflits historiques et personnels propices au drame, qui sert de socle à “Hôtel Brasília”, roman signé de l’écrivain et diplomate brésilien João Almino. Sur cette base, l’auteur personnalise son propos en donnant la parole à un narrateur qui parle à son père, acteur de l’érection de Brasília, et qui agonise en prison. Roman de la ville nouvelle, “Hôtel Brasília” est donc aussi et surtout un roman de la famille et de la transmission.
En préambule, au sujet des choix d’écriture: Brasília est une ville en construction au moment où l’auteur choisit de la décrire. Partant, et avec pertinence, il n’hésite pas à montrer lui aussi les éléments qui ont servi à construire son texte. Il sera donc question, de temps à autre, du blog que le narrateur tient, hanté par un, deux, trois lecteurs qui partagent leurs avis et connaissances. Il sera question aussi des états d’âme du narrateur face à ce qu’il écrit et aux conseils reçus d’un certain João Almino: dans le roman, l’écrivain se positionne donc lui-même comme conseiller du narrateur de “Hôtel Brasília”, donnant à celui-ci l’occasion d’expliquer comment se construit un tel livre. Ce qui, pour n’importe quel romancier, est tout aussi important que la manière dont se construit une ville. Et puis bien sûr, il y a ce que le père, tombé en prison pour des malversations peu claires, transmet à son fils: des mots, des souvenirs, des notes, des articles de journal même.
Et qui est ce narrateur? C’est un homme qui se souvient. L’écrivain le met donc en scène tantôt à l’époque où émerge Brasilia, tantôt au temps actuel, en glissant avec aisance entre les deux points de vue. Côté souvenirs, la construction de la ville se mêle aux ressentis du narrateur, enfant à l’époque. Le lecteur se trouvera donc certes exalté à l’évocation des rituels d’inauguration de la ville; mais il sera ému plus encore par la vie d’un garçon qui, pas loin de l’adolescence, comprend certaines choses de la vie des adultes et découvre ce qu’elles peuvent signifier pour lui. Cela, à travers les rapports qu’il entretient avec ses deux tantes, Francisca et Matilde, et avec son père: la mère a disparu.
Côté humain, il est essentiel d’évoquer le personnage énigmatique et amical de Valdivino, qui hante tout le roman, dès le début, où l’on se demande s’il est vraiment mort, et comment. Dans un monde conquérant et rationaliste désireux de construire une ville au milieu d’un grand pays, il fait figure de fenêtre ouverte vers la possibilité d’un au-delà. Il s’agit d’un jeune homme, issu d’une communauté, désireux de construire des églises (c’est sa vocation, même), et qui croit dur comme fer que toutes les religions peuvent dialoguer. Vaste programme pour un homme des années 1950, non exempt certes d’un syncrétisme un brin naïf, mais qui trouve son actualité aujourd’hui, où certains monothéismes préfèrent la confrontation. Valdivino concentre sur lui le point de vue du christianisme triomphant, mais aussi des religions et superstitions qui hantent chaque Brésilien.
Cela va plus loin que l’humanité et le rationalisme étroits, ceux des ingénieurs et des ouvriers pauvres venus construire Brasília, attirés par des salaires généreux. Certes, “Hôtel Brasília” n’est pas à proprement parler un roman social dont l’ambition affirmée est de dénoncer. Mais il ne passe pas sous silence les conditions de vie difficiles d’ouvriers qui ont construit une grande ville en moins de quatre ans: il y a des accidents, des morts même, et l’auteur ne fait jamais l’impasse. Ces difficultés constituent un contrastes presque choquant avec la présence de célébrités, telles que Juscelino Kubitschek, président du Brésil et initiateur de Brasília, mais aussi quelques people, écrivains célèbres en particulier, invités aux festivités d’inauguration de la ville nouvelle. Cela, sans oublier le pape…
Du gamin qui s’éveille à la vie à la grande ville qui naît, on l’a compris, “Hôtel Brasília” est un roman de naissances, qui voit loin. Les drames familiaux, exposés dès le début, ouvrent la porte à l’élucidation de lourds secrets. Et la scène initiale où le narrateur voyeur observe sa tante nue est le point de départ des aspects sensuels de ce roman, qu’ils soient généraux (la vie des prostituées dans les villages précaires de travailleurs, à travers du personnage de Lucrécia entre autres) ou personnels. L’écriture de ce roman est compacte, son rythme est lent, et l’on sera même surpris par l’écriture de certains dialogues, indiqués par une simple majuscule et intégrés à des paragraphes souvent longs, eux-même parties de chapitres longs. Certes riche, “Hôtel Brasília” exige donc une certaine endurance de la part du lecteur, baladé doucement entre la grande histoire et les petites histoires familiales.
João Almino, Hôtel Brasília, Paris, Métailié, 2012, traduction du brésilien par Geneviève Leibrich.
Brasília, de la vie personnelle à la grande histoire avec João Almino
[:]